Le changement climatique, responsable de l’intensification des maladies animales ?
Dermatose nodulaire contagieuse ou encore fièvre catarrhale, ces derniers temps, ces maladies animales ont fortement touché les élevages français. Quatre experts reviennent sur le lien entre le changement climatique et la prolifération des maladies infectieuses transmises des insectes.
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Selon Météo-France, l’année 2025 est la troisième année la plus chaude de France, derrière 2022 et 2023. Une température au-dessus de la normale de saison a été enregistrée un jour sur deux contre un jour sur cinq normalement. Cela est signe d’un dérèglement climatique.
Le 29 juin 2025, le premier cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) a été détecté en France. Jusque dans les années 80, cette maladie était plutôt cantonnée au climat chaud et humide d’Afrique subsaharienne. Au fur et à mesure des années, la maladie s’est répandue au Moyen-Orient avant d’entrer pour la première fois dans l’Union Européenne, en 2015.
Fièvre catarrhale, maladie hémorragique épizootique (MHE), DNC… Pour ces maladies vectorielles animales, le lien entre le changement climatique et l’augmentation de l’activité virologique est fortement suspecté.
Une augmentation du nombre de vecteurs
Certains experts s’accordent sur le fait que le changement climatique a un effet sur la période d’activité des insectes vecteurs de maladie et sur leur zone géographique d’implantation. « Plus il fait chaud et humide, plus les stomoxes se plaisent », affirme Emmanuel Liénard, professeur de parasitologie à l’école nationale vétérinaire de Toulouse.
Selon l’entomologiste Gérard Duvallet, la hausse de température entraîne une accélération du développement des insectes. Pour les stomoxes, vecteurs de maladie comme la DNC et la besnoitiose bovine, le cycle de vie dure 70 jours lorsque la température extérieure est de 15 °C. Cependant, au-delà de 30 °C, le cycle de vie est réduit à 15 jours. Cela veut dire que le nombre de mouches augmente.
En revanche, au-delà de 40 °C, les pupes (stade intermédiaire entre la larve et l’adulte) ne survivent pas. Il y a quelques années, la période d’activité des stomoxes allait de début mars à début octobre. Désormais, elle débute en février et se termine fin décembre. « Avant on avait une baisse de l’activité vectorielle l’hiver, maintenant, on l’observe de moins en moins car les hivers sont plus doux », confirme Floriane Boucher, ingénieure conseil au Groupement de défense sanitaire (GDS France).
Pour le taon, vecteur potentiel entre autres de la DNC, il n’existe pas d’analyse précise. Cependant, Gérard Duvallet, indique que les tendances sont similaires à celles des stomoxes. En revanche, contrairement à la mouche piqueuse, le taon ne rentre pas dans les bâtiments d’élevage et est donc moins présent en période hivernale.
« On dit que ce sont les vecteurs mais on oublie l’action de l’homme »
Le stomoxe n’est vecteur qu’à partir du moment où il pique un animal malade. « On dit que ce sont les vecteurs mais on oublie l’action de l’homme, affirme Gérard Duvallet. Pour une épidémie, il faut, au même endroit, le réservoir qui contient le virus, le vecteur qui fait le trait d’union entre les deux individus, et un individu sain ».
Les scientifiques interrogés mettent en avant le rôle de l’homme et des mouvements d’animaux dans les épidémies. Selon Emilie Boushira, professeure spécialiste en parasitologie, pour des maladies comme la DNC, la MHE ou la FCO, « la transmission passe d’abord par le transport d’animaux infectés puis par les insectes vecteurs ».
Si éradiquer complètement la diffusion des maladies semble complexe, il peut être envisageable de trouver des solutions afin de réduire la propagation des agents pathogènes. Les premières solutions souvent envisagées par les éleveurs sont des actions mécaniques contre les insectes, tel que l’usage d’insecticides ou de pièges.
Des solutions biologiques préconisées
« Des tonnes et des tonnes d’insecticides ont été utilisées mais, aujourd’hui, des analyses révèlent que les stomoxes sont résistants à tous les insecticides disponibles », souligne Gérard Duvallet. Pour ce qui est des pièges, leur utilisation ne semble pas optimale car son « impact sur la faune non-cible et sur la biodiversité est énorme ».
« Ma bagarre à l’heure actuelle est de convaincre les éleveurs d’arrêter d’utiliser des insecticides pour lutter contre ces mouches et de passer à des systèmes de lutte biologique », martèle l’entomologiste. Gérard Duvalllet préconise l’usage de parasitoïdes. Il s’agit d’organismes qui vont se développer aux dépens d’autres. Dans le cas des stomoxes, des miniguêpes peuvent être utilisées. Elles vont pondre dans les pupes induisant leur mort.
L’entomologiste conseille aussi d’introduire des acariens prédateurs. « Relâché dans le fumier, cet arthropode va manger les œufs de mouches et les larves », explique l’expert. La dernière solution évoquée par les scientifiques concerne le bâchage des fumiers. Au soleil, les bâches noires permettent de chauffer les fumiers à une température mortelle pour les pupes.
Un futur incertain
À plus long terme, « on va voir des maladies qui vont s’exprimer sur des périodes sur lesquelles on ne pouvait pas en voir autant il y a dix ans », analyse Emilie Boushira. Floriane Boucher, ingénieure conseil à GDS France, explique que le problème en France est qu’il existe « beaucoup de vecteurs pour différentes maladies ».
Cette augmentation du nombre de vecteurs potentiels, combinée aux déplacements animaux et humains « implique obligatoirement une augmentation des maladies vectorielle », selon Gérard Duvallet.
Dans le cas de la DNC, lundi 15 décembre, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard a assuré que la règle du non-déplacement des bovins « n’est pas respectée » par certains agriculteurs. « Si on déplace des animaux, on déplace la maladie », a-t-elle ajouté. Dans le cadre d’une épizootie, probablement accentuée par le changement climatique, les experts rappellent l’importance de surveiller les mouvements d’animaux.
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